Stop all the clocks...
Ma semaine a été un peu down. Elle a commencé par les funérailles d'une ancienne collègue et amie de ma mère qui s'est suicidée à 41 ans. J'ai pleuré à la messe comme une débutante, alors que je ne l'avais pas revu depuis environ 13 ans et que même enfant, je l'avais très peu connue. C'était une fille qui riait tout le temps, elle avait un sourire immense qui occupait la moitiée de son visage. Elle vivait avec un garçon charmant depuis au moins 20 ans et ils avaient deux petites filles. Sauf qu'elle n'allait pas bien du tout depuis à peu près toujours. Après la messe, on est allée voir leur maison. Ils habitaient dans la banlieue chic de Lille, là où il n'y a pas de rue mais des domaines : domaine du golf, domaine de la feuillée, domaine du parc, domaine de la vigne. Des belles maisons bien proprettes, des pelouses bien taillées le tout bien à l'écart du tumulte et de la pauvreté. C'était très beau, et on a failli aller déjeuner au restaurant du golf. Mais c'était aussi super flippant. Il n'y avait pas d'enfants blonds parfaits qui faisaient du vélo en tenue short et en robes à smock dans les rues mais ça faisait peur quand même. Surtout que ces domaines sont gigantesques : il y a entre 600 et 1500 maisons ( estimation faite à la vue des panneaux au début des rues sans nom de ces domaines).
Tout semblait dire " Bienvenue dans un monde parfait où les pauvres n'ont pas le droit de cité".
Je ne parle pas d'hyper pauvreté et de clochards aux coins des rues, mais juste de mixité, d'autres horizons, de "saine différence". Pendant la dizaine de minutes où nous avons erré à la recherche de leur numéro de porte, j'ai eu le sentiment étrange que tout ça n'était que du toc. Pas parce que les mères de familles se suicident en mettant le feu à leur voiture en rase campagne, mais parce que les enfants qui grandissent dans ces quartiers ne voient jamais de gens différents d'eux. Comment comprendre que ce qui nous différencie ne doit pas pour autant nous opposer ?
Je vois ça avec mes cousins. Ils vivent dans leur cocon. Le monde s'arrête à leur porte d'entrée. Ma cousine est peut-être bonne en classe, mais elle n'a aucune idée de ce qui se passe en dehors de chez elle. Je sais que je suis un peu bizarre, mais j'ai toujours voulu savoir ce qui se passait dans le monde entier, plutôt qu'au bout de ma rue. Je suivais quand même les élections à l'école primaire et je faisais des manifs pro Jospin pendant la récréation en CM2!
Enfin bref, mes enfants apprendront à lire avec Le Monde diplomatique, et s'ils se plaignent, je les enverrai en colonie en Biélorussie.
A la sortie de la messe, et même pendant la messe, j'ai observé les deux petites filles, et elles étaient étonnantes. Pas une larme, pas un éffondrement. Elles jouaient sur le parvis et sont allées s'acheter des dragibus à la boulangerie avec leur argent de poche. Jamais on aurait pu croire qu'elles venaient de perdre leur mère dans des conditions pour le moins tragiques. Elles étaient belles en tous cas. Les enfants m'étonneront toujours, j'aimerai vraiment en avoir au moins deux. Je songe même à ne pas les renier s'ils passent leurs soirées à regarder les émissions à la con de M6 et s'ils me sortent un jour : " Mais en fait Maman, il a fait des trucs bien Sarkozy et son fils Jean, il a de bonnes idées" ( Je crois que je me resservirai un verre de Gewürtz et que je penserais très fort " Il faut que jeunesse se passe mais j'aurais préféré de la musique de merde et des posters d'Anne Geddes"